mardi 10 novembre 2015

UN AVATAR POUR DEUX

RETOUR D’UNE EXPÉRIENCE DE THÉÂTRE DANS LE METAVERS
Jacqueline et Jean-Claude Barral du Théâtre de l'Adret, initiateurs français du Théâtre-Promenade dans la nature et sur des sites culturels, reviennent sur leur expérience de Théâtre-Promenade dans un territoire numérique immersif modélisé par Jenny Bihouise.
i3Dim : Pour les profanes, pouvez-vous préciser d'abord en quelques mots en quoi a consisté cette première francophone de Théâtre-Promenade sur le web ?
Théâtre de l'Adret : La technologie que nous avons utilisée [opensimulator] est en accès libre et gratuit. Elle nous a permis de connecter des personnes avec des comédiens, pour vivre en direct un spectacle scénarisé en immersion 3D. Pour nous cela privilégie l’émotion et met à disposition des moyens inédits pour valoriser des lieux moteurs de l’action. Tour à tour spectateurs et acteurs, en fait tous les participants s’approprient l’espace, les lieux deviennent familiers, les relations se nouent… Cette forme de Théâtre-Promenade en ligne tisse des liens et constitue une rencontre peu ordinaire avec les comédiens, mais pas seulement. Nous pensons aussi qu'il s'agit là d'une forme nouvelle de médiation culturelle dont beaucoup d’acteurs économiques pourraient tirer parti.
i3Dim : Pensez-vous que cela pourrait aussi être une nouvelle forme de spectacle ?
L'Adret : Oui. Lorsque nous avons rencontré virtuellement il y a quatre mois Jenny Bihouise pour lancer cette expérimentation sur la plate-forme EVER de l’Université de Strasbourg, nous n’imaginions pas le moins du monde le changement qui s’en suivrait dans notre pratique théâtrale. Mais en étant progressivement amenés à passer de la mise en scène à la scénarisation nous avons réalisé le potentiel de tels espaces numériques.
I3Dim : Comment cela s'est-il passé ?
L'Adret : Tout d’abord nous avons fait un premier constat : l’écrit décomposé en dialogues fonctionne mieux que certains textes de théâtre, tout simplement parce que le jeu du comédien ne peut, dans ce type d'environnement virtuel, trouver d’appui ni dans le regard ni dans le geste.
I3Dim : C'est la même problématique que pour une pièce radiophonique, non ?
L'Adret : Non, pas vraiment, car les personnages ici se déplacent dans un décor, tout comme au théâtre. De surcroît, les spectateurs doivent aussi être en mouvement. La mise en scène consiste donc, dans un premier temps, à rendre le spectateur acteur. Le décorateur, en l’occurrence Jenny Bihouise, devient magicien. Son rôle est primordial car la scénarisation 3D ouvre véritablement des perspectives infinies et porte les textes dans l’imaginaire.
I3Dim : Comme pour toute scénographie, les comédiens doivent s’approprier l’environnement. Mais qu’en est-il du jeu des acteurs dans ce contexte ?
L'Adret : La voix est prépondérante et le rythme pas facile à trouver. La manipulation du personnage est délicate au début. Nous n'avons aucune possibilité d’entendre ce que le public perçoit. Notre miroir en répétition, ce sont alors les personnes connectées, et non plus le metteur en scène. Mais la confiance dans l’équipe en est renforcée. Nous avions opté en plus pour le choix d'un seul avatar pour deux comédiens. La sensation des déplacements qui soutiennent le jeu existe bien, mais elle appartient à celui qui manipule et non à celui qui dit. Donc pas franchement marionnettistes les comédiens !
I3Dim : Qu'est-ce qui vous a le plus déstabilisés ?
L'Adret : Au début le fait de ne pas pouvoir nous appuyer sur des gestes, des regards pour indiquer une intention… Il y a seulement un déplacement dans l’espace, la possibilité de s’asseoir ou de se lever et aussi, certes, de voler !
I3Dim : Frustrés ?
L'Adret : Au départ, le rapport avec le public est frustrant, car il n'y a pour les comédiens aucun retour direct, aucune vibration, aucune perception de ce silence palpitant qui font habituellement entrer en communion comédiens et spectateurs. Mais assez rapidement nous apprenons à détecter les réactions, car cette forme de spectacle suscite aussi de l’émotion. Tchats vifs et enjoués, absence de tchats à la lecture d’un passage poignant, flânerie ou mise en mouvement rapide… deviennent de nouveaux repères. Nous vibrons, emportés par le texte, et sentons les spectateurs réagir à l’identique aux temps forts de la scénographie. Puis le spectacle s’achève et le dialogue s’installe. Nous aimerions qu’il continue par mails avec nous, avec l’auteur, avec l’équipe… Nous avons revécu la même sensation de plénitude qui disparaît quand le rideau tombe. 
Des internautes-spectateurs de France, d'Israël et des États-Unis… unis pour participer ce soir-là à une visite théâtralisée des bords de la Saône...
Plus d'infos en suivant ce lien "Théâtre de l'Adret - Lectures scénarisées"...